INDUSTRIE MINOTIÈRE

Un levier de diversification économique

D’une minoterie historique à un secteur concurrentiel

Jusqu’en 2017, le pays ne comptait qu’une seule minoterie, la Minoterie du Congo (MINOCO), anciennement société d’État (MAB) reprise par le groupe Seaboard et devenue Société des Grands Moulins de Pointe-Noire (GMPN). D’une capacité initiale d’écrasement de 250 tonnes de blé par jour, elle a progressivement modernisé ses installations jusqu’à atteindre 700 tonnes de blé par jour, soit de quoi satisfaire l’ensemble des besoins nationaux en farine, estimés alors à 150 000 tonnes chaque année. Malgré cela, une importante quantité de farine était importée chaque année, jusqu’à 35% du marché.

À partir de 2018, le paysage industriel évolue avec la construction d’une nouvelle minoterie. Le groupe Super Market, jusque-là l’un des principaux importateurs de farine, crée la Société des Grands Moulins du Kouilou (GMK). Deux ans plus tard, en 2020, le groupe SOMDIA finalise à son tour la construction d’un nouveau moulin, la Société des Grands Moulins du Phare (SGMP) – rachetée récemment par le groupe camerounais Cadyst, transaction finalisée en août 2025.

Grâce à ces investissements, la capacité installée du secteur atteint environ 1 250 tonnes de blé écrasées par jour, soit 310 000 tonnes de farine par an, près de deux fois la consommation nationale.

Une régulation protectrice et une offre diversifiée

Face à cette montée en puissance, les minotiers se sont unis pour obtenir du gouvernement l’interdiction d’importer de la farine ordinaire, appliquée dès 2018. Cette mesure a favorisé la production locale et encouragé l’innovation : farines spécialisées, ou encore pâtes alimentaires produites par GMK sous la marque « Dima ».

La SGMP a également mis en place une maïserie capable de transformer 25 000 tonnes de maïs en grits pour les brasseries et en aliments pour bétail. Les Brasseries du Congo (Brasco) consomment à elles seules plus de 5 000 tonnes de grits de maïs par an pour la production de bières, garantissant un débouché stable. Mais la filière agricole locale peine à fournir les volumes nécessaires, alors même que le marché avicole congolais nécessiterait environ 100 000 tonnes de maïs par an.

Un secteur sous tension

L’arrivée de nouveaux acteurs a bouleversé l’équilibre du marché. Outre la minoterie Grands Moulins du Congo (GMC), l’usine installée par le groupe camerounais Fokou, jamais mise en service, a été reprise en 2024 par le groupe turc MFB, ajoutant 400 tonnes de capacité quotidienne supplémentaire.

Au total, le secteur dispose désormais d’une capacité de 2 050 tonnes de blé écrasées par jour, soit environ 635 000 tonnes par an, l’équivalent de trois fois les besoins nationaux (180 000 tonnes de farine consommées en 2024, pour 295 000 tonnes de blé importées, avec quelques exportations vers la RDC, la RCA et le Gabon). Cette surcapacité alimente une guerre des prix bénéfique pour les artisans boulangers, mais elle fragilise la rentabilité des entreprises. Et puisque le prix du pain est fixé par le gouvernement, la baisse du prix de la farine ne se répercute qu’indirectement sur le consommateur final, contribuant surtout à contenir les risques d’inflation.

Le rôle de l’État : protéger les filières stratégiques

Ce qui s’est produit dans la minoterie n’est pas un cas isolé. L’exécutif congolais a montré qu’il n’hésite pas à prendre des décisions de protection du marché intérieur lorsque des filières locales d’import­substitution arrivent à maturité. Le cas du ciment est révélateur : dès lors que les cimenteries locales ont atteint une capacité suffisante pour couvrir la demande nationale, l’État a pris la décision d’interdire l’importation de ciment. Cette mesure, bien que critiquée par certains au nom de la liberté de marché, a permis de consolider une industrie locale créatrice d’emplois et de valeur ajoutée, tout en réduisant la dépendance aux importations.

La même logique s’est appliquée pour la farine : dès lors que deux acteurs industriels avaient la capacité de couvrir 100 % de la consommation nationale, l’importation a êtê stoppêe. Cette orientation montre que le Congo adopte une politique cohérente de soutien aux filières locales stratégiques, en particulier celles qui concernent des produits de grande consommation essentiels au quotidien des ménages.

Vers une meilleure intégration locale

Un enjeu majeur demeure : la dépendance quasi totale du secteur au blé importé. Des pistes existent pour aller plus loin dans l’intégration locale :

  • Poursuivre le développement de la filière maïs grâce au secteur de l’élevage et la diversification de son usage dans l’alimentation quotidienne (farines, semoules, boissons, produits transformés, produits sans gluten, etc.) ;
  • Valoriser la filière manioc, ressource locale abondante, en incorporant 5 à 10 % de farine de manioc dans les mélanges de farine de blé. Cette pratique, déjà testée ailleurs, permettrait d’industrialiser la filière manioc et d’ouvrir de nouveaux débouchés aux producteurs agricoles. Encore faut-il créer les conditions de la compétitivité du manioc local face au blé ;
  • Expérimenter des variétés tropicales de blé, déjà cultivées dans certaines régions du monde, afin de réduire la dépendance aux importations.

Leçons pour la diversification

L’exemple de la minoterie démontre que l’import-substitution, lorsqu’elle est accompagnée par une politique publique cohérente, peut réduire la dépendance extérieure et générer plus de l 500 emplois directs et 10 000 indirects. Mais il révèle aussi les conditions de réussite : développer les filières agricoles locales, éviter les excès de surcapacité et encadrer la concurrence.

Au-delà du blé et du ciment, c’est toute la logique de diversification qu’il faut renforcer : transformer les atouts agricoles et industriels du Congo en filières solides, de manière à sécuriser la croissance, réduire les importations et renforcer l’autonomie économique du pays.

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